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Séminaire Complexité ENSAM

LE POUVOIR TRANSFORMATIF DE LA PENSÉE COMPLEXE : HABITER LA TERRE AUTREMENT ? #1

Dans le cadre de la Chaire UNESCO Complexité en collaboration avec le Laboratoire de recherche Interdisciplinaire Formes Architecture Milieux (LIFAM) de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier (ENSAM) nouvelle institution d’accueil , le séminaire « Le pouvoir transformatif de la pensée complexe : vers une nouvelle écologie de l’action ? » tend à développer une réflexion autour du « paradigme » de la « pensée complexe »  notamment à travers « La Méthode »  face aux défis du monde contemporain. « La Méthode » constitue la contribution majeure de l’œuvre d’Edgar Morin dans laquelle il expose les principes de la pensée complexe, s’affrichant de toute forme de réductionnisme et structurant les bases d’une écologie de l’action. Comme le souligne Edgar Morin dans le journal Le Monde en janvier 2024, le progrès des connaissances a suscité, sans doute paradoxalement, une régression de la pensée.
Malgré une œuvre colossale et un foisonnement heuristique extraordinairement fécond dans le monde de la recherche et la société civile, il reste encore à dresser un état des lieux du paradigme de la pensée complexe. Fort de ce constat, ce séminaire s’attache à clarifier les épistémologies mobilisées et entend revenir sur les fondements du paradigme de la pensée complexe en posant les jalons des références théoriques mobilisées.
Tout en s’attachant à regarder attentivement ce que peut recouvrir la pensée complexe, ce séminaire propose de s’intéresser aux modalités d’action auxquelles elle peut donner lieu : autant dans le monde de la recherche, que celui des opérateurs (architectes, politiques, …) ou encore de la société civile.
Autre contributeur majeur du paradigme de la complexité, Jean-Louis Le Moigne nous invite à repenser une intelligence de l’action humaine, c’est-à-dire une « écologie de l’action » prenant en compte l’indétermination de l’évolution d’un écosystème, le hasard, l’aléa, les incertitudes, voire les points aveugles. Le concept de paradigme est emprunté à Thomas Kuhn en tant que normalisation de l’activité scientifique autour d’un ensemble de croyances, de valeurs, de techniques, de pratiques et d’intérêts partagés par une communauté de pairs. Le concept de paradigme kuhnien d’une science normale sera mis avantageusement en discussion avec le paradigme de la science post-normale (SPN) proposée par Silvio Funtowicz et Jerôme Ravetz en tant qu’espace critique de la science normale.
Pour délier et relier les réflexions autour de la pensée complexe et de l’écologie de l’action, ce séminaire propose de mobiliser et d’interroger le concept de « polycrises »  d’Edgar Morin, permettant d’appréhender sans réductionnisme le contexte d’enchevêtrement des crises, sociales, politiques, environnementales auxquelles les sociétés sont confrontées. De façon transversale, ce séminaire tend à développer un espace critique et réflexif autour de l’usage de certains termes, notions ou concepts « valises » (crises, transitions, anthropocène, durabilité, complexité, etc.). Employés parfois à tort et travers, sans explicitation des cadres de références ou théoriques, il apparait nécessaire mais non suffisant de déployer une analyse discursive critique. À titre d’exemple, l’implicite de la mobilisation du mot « crise » d’un écosystème sous-entend la capacité à revenir à état d’équilibre présupposé existant. Ces implicites discursifs peuvent d’une part représenter des marqueurs pertinents des limites de notre capacité à appréhender la matérialité du monde contemporain dans l’épaisseur de sa complexité. D’autre part ils peuvent permettre de tracer de façon pointilliste les frontières de nos impensés. C’est pourquoi le séminaire Le pouvoir transformatif de la pensée complexe : vers une nouvelle écologie de l’action ? souhaite mettre en dialogue des champs disciplinaires et développer une réflexion épistémologique de fond. Pour cela il apparait pertinent de nourrir cette réflexion à travers le double prisme des deux cadres paradigmatiques mentionnés précédemment s’inscrivant dans un continuum historique, le paradigme de la science normale et celui de la science post normale. Ce double prisme permet de développer une double vigilance : d’une part une vigilance épistémique en prenant la science telle qu’elle est, c’est-à-dire au regard de ses incertitudes, de ses controverses voire de zone d’ignorance et d’autre part une vigilance citoyenne et démocratique dans un contexte où il faut prendre des décisions. En effet, pleinement en résonnance avec le programme de recherche de la Chaire UNESCO Complexité Edgar Morin (2024-2028), ces dernières années sont marquées par la montée en puissance de recherches transformationnelles avec et pour les sociétés.
Nous souhaitons déployer ces réflexions autour de sessions semestrielles qui regrouperont plusieurs séances chacune. La première saison, dite inaugurale du séminaire « Le pouvoir transformatif de la pensée complexe : vers une nouvelle écologie de l’action ? » sera organisée durant le premier semestre 2025 à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier. L’objectif est de mettre en dialogue plusieurs approches mobilisant la pensée complexe afin d’identifier les points de convergences et de divergences, les questions saillantes et de tracer des perspectives programmatiques pour les trois prochaines saisons de 2026 à 2028.
De plus le séminaire « Le pouvoir transformatif de la pensée complexe : vers une nouvelle écologie de l’action ? » s’inscrit dans le parcours de formation de l’ENSAM et plus particulièrement le parcours « mention recherche » et dans les domaines d’études Master 1 (S7-S8) et Master 2 (S9-S10). Les étudiants participeront au séminaire et devront produire un mémoire ayant une visée orientée vers les outils transformationnels alimentant la logique de projet.
SESSION #1 : INTRODUCTION À LA PENSÉE COMPLEXE
Intervenants Lionel Scotto d’Apollonia, directeur de la Chaire UNESCO Complexité & Déborah Nourrit, MCF UM directrice adjointe Chaire UNESCO Complexité
La première session vise à dresser un état des lieux de la pensée complexe proposant une synthèse notamment en s’appuyant sur les différents tomes de la méthode rédigée par Edgar Morin. Bien que l’exercice de synthèse apparaisse comme impossible, le but est de proposer un cadre de réflexion commun servant de référence pour les futures sessions.
Cette première session vise de plus à clarifier les critiques et front de controverses autour de la pensée complexe et notamment son manque de modalités opératoires. Force est de constater que les pratiques discursives de la « complexité » ou de la « pensée complexe » se caractérisent par une très grande hétérogénéité et un déficit d’ancrage théorique. Concept valise pouvant signifier tout et son contraire, la « complexité » peut apparaitre paradoxalement comme un marqueur du déficit des sciences humaines et sociales à décrire, comprendre et expliquer la complexité du monde contemporain et appréhender les multiples défis sociaux, politiques et environnementaux et en retour scientifiques.
Cette première session permettra de mettre au jour la nécessité de développer une méta-analyse critique et réflexive de la diffusion et de l’impact de la pensée complexe sur les acteurs et l’ensemble des organisations académiques ou non. Conformément au programme de la Chaire, il apparait pertinent de structurer les bases d’un observatoire des phénomènes de médiation de la pensée complexe dans différents espaces. Aussi cette première session permettra de discuter d’un travail en cours d’une part de construction d’une cartographie des réseaux des acteurs mobilisant le paradigme de la pensée complexe à partir des travaux d’Edgar Morin à l’échelle nationale et internationale et d’autre part de structuration d’une veille analytique suivant différentes variables : temps, espaces, épistémologies, pratiques, etc. Cette veille permettra d’identifier les activités des praticiens de la complexité et les évolutions du réseau à différents niveaux d’échelle.